La crue de l'Arbonne à Bourg St Maurice (73)

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Présentation générale - Caractéristiques du bassin versant

Le torrent de l'Arbonne draine un bassin versant d'une superficie de 15 km² environ au nord de Bourg St Maurice. Le bassin est composé pour l'essentiel, de calcaires, de schistes et de gypses. Cette dernière roche soluble à l'eau, est particulièrement présente dans les gorges du Nant Blanc.

Ce torrent a formé un cône de déjection très important (144 ha) et modifié considérablement le profil en long de l'Isère. Il est capable de former des laves torrentielles boueuses très caractéristiques. Il est possible de distinguer cinq zones très différentes :

Le Nant Blanc Supérieur

Ce réceptacle au pied du Roignais (2999 m) est composé en grande partie de calcaires. 

L'érosion y est relativement modérée malgré des pentes très fortes et des éboulis présentant des volumes très importants. 

Il est néanmoins probable que des laves torrentielles se forment dans cette partie. Elles restent d'ampleur limitée et se transforment généralement en charriage au niveau du replat vers 2000 m d'altitude, en amont de la gorge.
 
 

La gorge du Nant Blanc

Le gypse est prépondérant dans ce secteur. L'érosion y est régulière (dissolution de la roche) et très importante. 

Cette gorge se serait formée brutalement lors de la disparition de l'Arbonne durant 7 ans qui a précédé la catastrophe de 1370. L'ancien lit (ruisseau du Dard) est nettement visible à l'est du tracé actuel. 

Le volume - facilement mobilisable - au fond de la gorge est considérable. C'est la source principale de fourniture en matériaux, la très forte pente dans ce secteur facilitant une érosion très active par les laves torrentielles.

L'Arbonne supérieure

En amont du confluent avec le Nant Blanc, l'Arbonne draine un bassin versant étendu. Le schiste y est majoritaire - mais instable - et le gypse est présent en rive gauche du torrent. 

La formation de laves torrentielles est possible dans ce bassin versant - actuellement fortement boisé - mais il semble qu'elles soient plus rares et moins dangereuses que celles formées dans les gorges du Nant Blanc. 

Les écoulements souterrains dans les gypses sont particulièrement importants et peuvent conduire à des déstabilisations des terrains à moyen terme.

Les gorges de l'Arbonne

En aval du confluent avec le Nant Blanc, le phénomène prépondérant actuellement est le transit de laves torrentielles particulièrement imposantes. 

La faiblesse de l'érosion est obtenue grâce aux barrages RTM qui évite l'érosion et la déstabilisation du vaste glissement de terrain de la rive droite - et localement dissolution des gypses. 

Lors des événements majeurs, les dégradations des ouvrages sont importantes.
 
 

 Le cône de déjection

C'est dans cette zone que sont concentrés les principaux aménagements : routes nationale et départementale, zone urbanisée (tout le centre de Bourg St Maurice est construit sur le cône de déjection), voie ferrée...Or, les fortes crues présentent sur ce cône une tendance marquée au dépôt. C'est donc dans cette zone que se concentre l'essentiel des dégâts. 

Contexte géologique

Schématiquement, la rive droite du torrent de l’Arbonne appartient à la zone Briançonnaise avec ses schistes houillers bien connus. L’extrémité Ouest du bassin et de son affluent le Nant Blanc, matérialisée par les pointes du Rognais, de Plovaisan ... appartient à la zone Valaisanne caractérisée par des flysches qui s’altèrent en fines plaquettes.

Entre les deux, soit la majorité du bassin de l’Arbonne et du Nant Blanc, la zone Subbriançonnaise apparaît avec une nappe de gypses et quelques affleurements de calcaires et calcschistes noirs très durs. La nappe de gypse est surtout caractérisée par cette roche mais aussi par des Cargneules entre 1500 et 1800 mètres d’altitude dans le Nant blanc et des quartzites en rive gauche vers 900 m d’altitude.

Au fond du lit de l’Arbonne vers 1000 m apparaît une roche dure et verdâtre qui peut appartenir aux Brèches des formations basales de la zone Valaisanne.

Partout où les pentes sont compatibles avec leur stabilité, il existe des dépôts glaciaires. La majorité du bassin versant étant dans les gypses, la plupart des problèmes proviennent des circulations d’eau dans cette roche, avec son lot d’effondrements et d’érosions lentes ou rapides lors des crues.

Les schistes houillers de la rive droite de l’Arbonne sont caractérisés par quelques barres de grès mais surtout par des schistes très altérés en glissement vers le torrent. Les crues importantes avec transport solide sous forme de laves torrentielles sont donc rechargées par l’abrasion de la butée de pied du glissement dont l'activité augmente alors.

Historique des crues

La conjonction d'un torrent actif et de l'installation d'un bourg sur son cône de déjection conduit à un passé particulièrement chargé ! Il est très vraisemblable que beaucoup de dégâts avant le moyen âge n'ont pas donné lieu à des traces écrites.

Les crues de l'Arbonne étant particulièrement nombreuses et les dégâts étant considérables, on regroupe ici seulement les crues les plus importantes, et les plus récentes. La plupart de ces informations proviennent du livre de Mougin " les torrents de Savoie" édité en 1914.

1370
Perte du Nant Blanc pendant 7 ans et ouverture de son nouveau lit. Débâcle brutale et destruction de Bourg St Maurice dans sa presque totalité
Septembre 1579
Crue générale de l'Arbonne et de l'Isère. Réfection des digues.
1630
Destruction de 52 maisons dont 38 sur la rive droite du torrent. 
Septembre 1732 
Une lave franchit les digues de la rive gauche et envahit le bourg. L'Isère est obstruée et la débâcle emporte tous les ponts de l'Isère jusqu'à Grenoble, excepté celui d'Aigueblanche.
1743 
Construction d'une nouvelle digue en rive gauche. Une nouvelle lave la détruit durant les travaux. 
1778
Une lave détruit entièrement la digue.
1792
Début de la construction d'une forte digue.
1829
La digue est terminée 38 ans après le début des travaux.
1er novembre 1859 
Des volumes importants sont apportés par le torrent. La route impériale est coupée en plusieurs points et de vastes surfaces agricoles sont engravées. "Si la ville échappa à un nouveau désastre, elle le dut aux fortes digues qui enserraient le torrent et qui se trouvaient remblayées jusqu'au couronnement". 
10 Août 1868 
A la suite d'un orage, une lave atteint le sommet de la digue du coté du bourg, emportant un pont, en enlisant un autre et interrompant la circulation.
1874
Exhaussement de la digue. 
22 Mai 1900 
De très gros blocs (jusqu'à 200 m³) sont transportés par l'Arbonne jusqu'à l'Isère.
18 Juin 1948 
Le pont de la R.N. 90 est déplacé sur une centaine de mètres. La digue rive gauche est affouillée. Plusieurs milliers de m³ ont été apportés par le torrent.
22 Juin 1963 
Une lave déplace un épi en béton en aval du pont de Vulmix.
24 juillet 1996 
Voir ci dessous. 
13 Août 1997 
A la suite d'un orage très localisé, une nouvelle lave apporte plusieurs dizaines de milliers de m³. Des blocs de plus de 100 T sont apportés au sommet du cône de déjection. Aucune pluie significative n'a été relevée à Bourg St Maurice ce jour là (même épisode de pluie que sur la Raja mais les pluies sur le haut bassin versant du Nant Blanc ont très vraisemblablement été inférieures). La lave s'est donc formée avec une faible quantité d'eau. 

Cet historique conduit aux remarques suivantes concernant la digue rive gauche de l'Arbonne :

La digue en rive gauche au sommet du cône de déjection est prépondérante pour la protection du centre ville. Elle a permis d'éviter des destructions massives. Depuis 1824 (soit 173 ans), la digue n'a pas été submergée. Sur cette période, le torrent a atteint les digues à deux reprises : en 1859 et 1868. Depuis, la digue a été exhaussée, mais il est difficile de savoir que quelle hauteur.

En 1370 et 1630, des crues nettement plus importantes que les autres, et vraisemblablement liée à des ruptures d'embâcles, ont causé des dégâts très importants. Il est très difficile de prévoir le comportement de l'Arbonne en cas de nouvelle crue catastrophique, mais il est très vraisemblable que les dégâts seraient considérables. Il apparaît cependant que de telles catastrophes peuvent être précédées de signes avant coureurs. C'est nettement le cas pour la débâcle de 1370. Aujourd'hui, le bassin versant est surveillé avec rigueur par le RTM et il est probable que des mesures pourraient être prises avant de telles crues.

L'Arbonne n'a jamais tué ce qui est surprenant étant donnée l'ampleur des dégâts. Cela peut s'expliquer par un démarrage relativement lent de la crue. Cela est nettement apparu en 1996 : les très forts débits ont été précédés, durant plusieurs dizaines de minutes, par des laves de "seulement" 3 à 4 mètres de hauteurs. Cela permet l'évacuation - ou au moins la mobilisation - des riverains.

La crue de 24 juillet 1996

Conditions générales

La crue de 1996 fait suite à une période relativement calme, la dernière grande crue datant de 1948. L'épisode de pluie a concerné essentiellement le massif du Mont Blanc et la haute Tarentaise. Aucune précipitation n'a été relevée dans les deux semaines précédant l'épisode. A Tignes, les pluies ont été très exceptionnelles et le relief a joué un rôle particulièrement important. A Bourg St Maurice, la précipitation journalière a été inférieure à la pluie décennale ! De telles précipitations sont donc - en moyen - atteintes plus d'une fois par décennie, ce qui fait que les pluies sur Bourg St Maurice n'ont pas un caractère très exceptionnel. D'autre part, les postes de Peysez-Nancroix et de Versoye n'ont pas dépassé non plus les valeurs décennales le 24 juillet 1996.

On peut considérer que les précipitations sur le haut bassin versant de l'Arbonne aient été nettement supérieure à celles des pluviomètres, ce qui est très probable étant donné le relief. Pourtant, l'absence de crue de l'Arbonne en amont du confluent avec le Nant Blanc et la visite du haut bassin versant du Nant Blanc peu après la crue (absence de trace de ruissellement important sur les pentes) suggèrent que les précipitations lors de l'épisode de 1996 n'ont pas été très exceptionnelles. De plus, le lit du Nant Blanc vers 2000 m d'altitude n'indique pas le passage de débits particulièrement élevés.

Il semblerait que la crue de 1996 soit liée à une très forte érosion des matériaux accumulés de longue date dans la gorge du Nant Blanc, les érosions en dehors de cette zone étant très réduite.

Formation et propagation de la lave torrentielle

La série de laves torrentielles a apporté au sommet du cône de déjection un volume de l'ordre de 300 000 m³. Si l'on considère qu'ils ont été arrachés dans la gorge du Nant Blanc (soit sur une longueur de 1 kilomètre), cela correspond à une section d'érosion de 300 m² (soit une encoche en forme de V de 30 mètres de large en tête et de 20 mètres de profondeur). C'est considérable, même si un glissement de terrain en rive droite a fournit une forte fraction du volume de matériaux. Les photographies suivantes montrent cette gorge après la crue. Les valeurs précédentes paraissent alors plausibles.

 En aval du Nant Blanc, la lave avait une section de plusieurs dizaines de m². Les cuvettes de plusieurs barrages ont été partiellement détruites. Une passerelle a été emportée dans le haut bassin versant.

Dégâts sur le cône de déjection

La succession de laves a détruit ou endommagé de très nombreux ouvrages à proximité du lit du torrent :

Les barrages au droit du pont du génie ont été affouillés, menaçant la stabilité de l'ouvrage. Un nouveau barrage a du être construit.

Le pont métallique conduisant au champ de tir a été emporté et totalement détruit.

Le pont de Vulmix a été submergé, soulevé et en partie détruit malgré une très forte section. L'obstruction temporaire par le pont métallique conduisant au champ de tir (350 mètres en amont) expliquerait des dégâts aussi importants.

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Des débordements de quelques décimètres d'épaisseur se sont produit sur les deux rives sur la partie haute du cône de déjection causant quelques dégâts. Il s'agit là d'une caractéristique classique des laves torrentielles.

De très gros blocs se sont déposés à proximité de la Croix St Maurice, environ 350 mètres en amont de la R.N. 90. Ce dépôt est situé au droit d'une sensible réduction de pente.

  La réduction de pente, le - faible - rétrécissement du lit et l'obstacle du pont de la R.N. 90 expliquent des débordements massifs à proximité de ce pont. Les dégâts aux propriétés riveraines et aux véhicules ont alors été particulièrement importants.

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C'est en aval du pont de la R.N. 90 que la plus grosse fraction des 150 000 m³ déposés sur le cône de déjection s'est arrêtée. Il s'agit d'une zone classique d'épandage (les photographies des crues passées le montrent bien) et le lit n'est pas aussi bien formé qu'en amont. De plus, la pente est relativement faible (~ 7%). L'extension de la coulée est alors particulièrement importante (près de 180 mètres).

Le pont de la voie ferrée forme une zone de rétrécissement. Il a été déplacé d'une cinquantaine de centimètres vers l'aval, sans que sa structure témoigne d'un choc particulièrement violent.

Confluent avec l'Isère

Au confluent avec l'Isère, la lave s'est écoulée dans le lit de la rivière. Ce fonctionnement est habituel et s'explique - ou explique - la nette rupture de pente de l'Isère au confluent (2.6 ‰ en amont du confluent, 32 ‰ en aval immédiat et 11 ‰ quelques kilomètres en aval). Les photographies suivantes, prise de la base de canoë - kayak montrent que :

Le débit liquide dans l'Isère est modéré (aval de la lave).

Le front de la lave est nettement visible. On y observe de très gros blocs (plusieurs mètres de diamètres), la passerelle franchissant l'Isère et quelques arbres. L'ensemble progresse lentement vers l'aval.

Le corps de la lave constitué de boue. L'écoulement est alors nettement moins turbulent qu'en aval.

On observe, au fur et à mesure de la progression de la lave torrentielle la destruction des portes du bassin de slalom de kayak.

(26 Ko) dddddddddddddddddddddd (65 Ko) 

L'engravement du lit de l'Isère a atteint temporairement plusieurs mètres, conduisant à des débordements et des changements de lit (jusqu'à un kilomètre en aval), malgré un débit liquide médiocre.

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Les coûts liés à cette crue ont été estimés à 23 millions de francs.

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