L'hydraulique torrentielle
Des phénomènes très contrastés
Dans les zones à forte pente, l'écoulement dispose d'une énergie considérable pour transporter les matériaux. On distingue classiquement quatre modes de transport :
Les connaissances des écoulements de lave torrentielle ont fait des progrès considérables ces dernières années. Ces nouvelles approches sont basées sur l'analyse de la loi de comportement des matériaux.
Il s'agit d'un comportement totalement différent des fluides newtoniens. Ici, le seuil de contrainte correspond à la contrainte nécessaire pour que le mouvement débute : on peut donc avoir une épaisseur importante de lave sur une pente significative, sans qu'il y ait de mouvement des matériaux.
Les laves torrentielles peuvent être définies suivant plusieurs critères :
Cependant, dans le cas des torrents le charriage prend de nombreuses formes, depuis le glissement ou le roulement de quelques éléments isolés sur le fond jusqu'aux écoulements hyperconcentrés. On trouvera au paragraphe suivant une analyse détaillée du phénomène.
Lorsque la concentration devient très importante (plusieurs centaines de grammes par litre) on parle de suspension hyperconcentrée et le comportement de l'écoulement se rapproche de celui des laves torrentielles.
Les seules traces morphologiques liées à la suspension sont réduites à quelques détails tels que les laisses de crues. Dans l'ensemble, ce mode de transport n'a d'influence sur les rivières à forte pente que lorsque la concentration est considérable (bassin versant dans les Terres Noires des Alpes du Sud par exemple) ou dans les lacs de retenue.
La complexité du charriage torrentiel
La grande difficulté du charriage torrentiel est l'interaction extrêmement forte entre l'écoulement, le transport solide et les matériaux du lit. En effet, il est impossible d'aborder un des aspects indépendamment des autres.
Les différents mécanismes intervenants sont alors les suivants :
Ils conduisent à des phénomènes de charriage torrentiel très différents :
Le charriage hyperconcentré pour lequel des interactions entre les matériaux transportés sont prépondérantes. Il est défini comme un charriage où le transport s'effectue avec une couche de transport d'épaisseur supérieure au diamètre des grains. Smart & Jaeggi (1983) en observant leurs essais considèrent que "la distinction commune entre charriage et suspension n'est plus admissible", les éléments transportés n'étant plus en contact avec le lit, indépendamment de leur taille.
Une autre définition du charriage hyperconcentré est plus globale : on parle de transport hyperconcentré lorsque le transport solide modifie les conditions hydrauliques. Ainsi, le transport solide est alors assez influent pour qu'à débit liquide constant, la hauteur de mélange augmente lorsque la pente s'accroît.
Il s'agit d'un phénomène hybride :
Mais il présente des points communs avec les laves (fonctionnement par bouffées, très faible tri granulométrique)
Conditions d'écoulement
Dans un but d'éclaircissement, on considère les conditions d'écoulement dans des conditions épurées : lit plat, granulométrie resserrée, absence de transport solide. Il apparaît cependant que l'écoulement dans un tel cas est extrêmement complexe à cause de la faiblesse de la submersion relative (h/d).
Ainsi, l'écoulement entre les particules ne peut plus être négligé ce qui entraîne un champ de vitesse vraiment tridimensionnel. D'autre part, une zone de sillage derrière chaque gros élément de rugosité, homogénéise les vitesses à proximité du lit et entraîne une stratification de l'écoulement en une zone très turbulente et homogène à proximité du lit et une distribution plus classique au-dessus.
Enfin, les alternances accélération - décélération avec oscillation autour du nombre de Froude critique (Fr =1) achèvent de compliquer ce type d'approche.
Dès sa définition, le seuil de début de mouvement pose problème : En effet, il est défini soit comme l'état pour lequel le mouvement débute soit comme un paramètre de calage d'une formule de transport solide.
D'autre part, l'approche classique (considérant uniquement la contrainte de cisaillement) n'est plus valable lorsque la pente dépasse quelques pour-cent et lorsque la submersion relative devient faible.
Il est donc apparu que :
· La submersion relative, en diminuant, augmente la contrainte de cisaillement critique de début de mouvement.
D'autre part, il semble bien qu'il faille distinguer le seuil de début de déplacement des matériaux de celui de début d'arrachement des grains. D'autres phénomènes que les conditions hydrauliques moyennes interviennent alors comme la morphologie du lit ou l'effet d'une granulométrie étendue. Ces aspects seront traités par la suite.
Capacité maximale de transport
Le transport solide, lorsqu'il ne dépend que des conditions hydrauliques, est d'une approche relativement simple. La formule de Meyer-Peter et Muller (1947) pour les faibles pentes et celle de Smart & Jaeggi (1983) ou l'une de ses dérivées pour les fortes pentes donnent une bonne approximation de la capacité maximale de transport solide par charriage.
D'autre part, des expressions très simples peuvent être démontrées dans le cas de conditions hydrauliques beaucoup plus vigoureuses que celles correspondant au seuil de début de transport. Il apparaît alors que seule la concentration en matériaux et la pente interviennent - indépendamment de la granulométrie.
Ainsi, malgré des formulations nombreuses et très différentes, les comparaisons réalisées par Takahashi entre les formules montrent qu'elles sont toutes assez proches. Or il apparaît un écart très important lors de la confrontation à des cas réels, les formules conduisant généralement à une surestimation du transport solide.
Cet écart est usuellement attribué au pavage. Plus précisément, il semble que deux phénomènes expliquent cette résistance du lit à l'érosion : le tri et l'imbrication des matériaux de granulométrie étendue et la morphologie du lit.
Effet de la granulométrie étendue sur les phénomènes torrentiels
La granulométrie étendue apparaît comme une caractéristique incontournable des torrents. Cependant, son influence sur les phénomènes torrentiels est encore très mal connue.
L'influence des grosses particules sur la distribution de vitesse est particulièrement complexe aboutissant à un écoulement " troublé" avec des zones de ressaut ou de sillage derrière les gros éléments.
D'autre part, le début de mouvement ou le transport des matériaux de tailles différentes montre clairement les limites des approches considérant une taille de grains uniforme. Des coefficients correcteurs ont été appliqués aux formules classiques, uniformisant la mobilité des grains, les diamètres de l'ordre du d50 ne subissant pas de changement.
Cependant, il apparaît que la mobilité relative des grains dépend de l'ensemble de la distribution des tailles (et même de considérations géométriques d'arrangement des grains) mais aussi des conditions hydrauliques.
Enfin, il semble que le transport solide d'une granulométrie étendue est intrinsèquement instable, les éléments grossiers et fins se déplaçant en alternance suivant des nappes de granulométries resserrées mais interdépendantes. Ce phénomène est lié à des évolutions morphologiques.
La dynamique fluviale est extrêmement complexe. La première difficulté provient de la variation des conditions hydrauliques et sédimentologiques (sollicitations hydrologiques).
La démarche classique considère qu'un "débit dominant"
modèle le lit (son temps de retour est de l'ordre de quelques années).
Ce problème étant résolu, il est possible de considérer
que, pour un débit constant, le cours d'eau ajuste son lit à
la recherche de l'équilibre.
Deux alternatives s'offrent alors au chercheur :
· La minimisation ou la maximisation
d'une fonction par le cours d'eau est utilisée pour modéliser
la recherche d'un équilibre. Il est alors possible de prévoir
les tendances des évolutions morphologiques. De multiples fonctions
ont été proposées, généralement équivalentes
dans la zone de variation des paramètres correspondant à
une rivière. Il est alors possible de justifier l'ensemble des particularités
morphologiques d'une rivière. Cependant, un tel travail nécessite
une excellente maîtrise du paradoxe. D'autre part, il montre une
tendance, sans parvenir à une quantification du phénomène.
Les objectifs des études de morphologie torrentielle sont nettement différents de ceux de l'hydraulique fluviale : il ne s'agit plus de déterminer les proportions de la section mouillée ni de déterminer la longueur d'onde de méandres mais plutôt d'étudier la nature de la couche superficielle du lit. En effet, celle ci est révélatrice des autres paramètres du lit - y compris la pente puisque les contraintes de cisaillement augmentent avec la pente. Si le lit est à l'équilibre, cela indique qu'il doit être plus résistant dans les zones de forte pente. La couche de surface est alors différente.
Le tableau suivant montre les imbrications d'échelles des principales
structures que l'on observe dans un torrent :
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Ainsi, il est difficile d'individualiser chaque élément morphologique du lit.
L'étude de la morphologie torrentielle est donc axée sur le pavage du lit et son influence sur le transport solide et la stabilité du lit. En effet, il est nécessaire de connaître ces structures élémentaires si l'on veut pouvoir comprendre avec finesse la formation d'une morphologie torrentielle. Il apparaît que ces structures morphologiques se forment lors des crues assez fortes pour déplacer les plus gros éléments sur lit, mais assez réduites pour que l'écoulement soit peu chargé en matériau.
Les structures en marches d'escalier sont encore mal connues. D'autre part, d'autres structures morphologiques, telles que les "dunes à forte pente" ont un rôle important dans le comportement du lit. Par leur ampleur, elles semblent être le phénomène le plus important à considérer lors du dimensionnement d'ouvrage de protection.
Il ne s'agit que d'une tentative rapide d'éclaircissement. N'hésitez pas à me faire part de vos remarques.
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